Donnerstag, 29. Januar 2009

Tout commence au Grand Duché

On ne se débarrasse pas facilement d'une vieille Luxembourgeoise. Astrid Lulling sera candidate aux élections européennes de juin. Elle compte sur ses doigts d'un air canaille : "1964, 1968, 1974, 1979, 1984, 1989, 1994, 1999, 2004..." Pas peu fière d'avoir été eurodéputée une première fois il y a quarante-quatre ans et de se représenter pour la dixième fois (après deux échecs en 1979 et 1984), au Parlement européen. Assez contente aussi d'être la seule députée à avoir siégé avant l'instauration du suffrage électoral direct, en 1979. Quant à être la plus vieille de l'illustre institution, cela la fait carrément crâner. "J'aurai 80 ans en juin, madame !" Elle daigne admettre l'existence de "trois ou quatre hommes plus vieux que moi, dont Le Pen. Mais la doyenne, c'est moi. Forcément : l'Europe a commencé chez nous, au Luxembourg."


Chevelure blanche impeccable, bijoux chic et langue bien pendue : Astrid a tout de la vieille dame indigne. Elle peut vous raconter les débuts de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1951, comme ceux de Robert Schuman, Jean Monnet et autres hommes préhistoriques que les eurodéputés d'aujourd'hui ne reconnaissent plus en photo. Lorsque Simone Veil devint la première présidente du Parlement européen directement élu, Astrid était là, bien sûr. Elle grimace, en vieille chipie. "Nous n'étions pas des âmes soeurs. Elle faisait campagne contre le tabac et défendait les subventions aux producteurs de tabac, contradiction bien française."

Mme Lulling appartient au groupe de centre droit du Parlement (PPE-DE). Du temps de sa longue jeunesse elle était de gauche, dans la confédération des partis socialistes de la communauté européenne, ancêtre du Parti socialiste européen (PSE). L'un de ses voisins de banc, ordre alphabétique oblige, était le parlementaire français François Mitterrand. "On ne pouvait pas se blairer, raconte-t-elle. Il venait avec sa cour, ne travaillait jamais dans le groupe mais ça, pour pérorer, il était toujours là. Un jour, je le lui ai dit : "Vous débarquez ici, vous ne foutez rien alors qu'on bosse, et vous réclamez toujours le temps de parole !" Il m'a regardée avec mépris : "Qui c'est, cette petite ?""

Etre Luxembourgeoise n'est pas la dernière fierté de Mme Lulling. Car tout commence au Grand Duché. Le Français Robert Schuman lui-même, premier homme de l'Europe par sa déclaration de 1950, était né et fut élevé au Luxembourg dont il parlait la langue. Toutes les institutions de la CECA étaient au Luxembourg, qui héberge toujours la Cour européenne de justice et le secrétariat général du Parlement européen. C'est sous la présidence luxembourgeoise, en 2005, que furent remodelés le pacte de stabilité et la stratégie de Lisbonne. Un premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, préside la zone euro. Telle est l'adresse d'Astrid Lulling "aux Tchèques qui voient la supranationalité européenne comme un danger pour les petites nations, et qui n'ont rien compris." Dernière fierté : depuis 2004, son pays n'est plus le plus petit Etat membre de l'Union européenne. "Malte est bien plus petit que nous", note-t-elle d'un air important.

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