Mittwoch, 3. Juni 2009

Le nouveau pouvoir du Parlement (LE MONDE 03.06.09)

LE MONDE | 03.06.09 | 15h24 • Mis à jour le 03.06.09 | 19h06

Astrid Lulling ne décolère pas. "80 % des lois nationales dépendent de la législation européenne et personne ne s'intéresse à nous !" A la veille de ses 80 ans, cette élue luxembourgeoise, membre du Parti populaire européen (PPE), avoue ne pas comprendre pourquoi les citoyens sont de plus en plus nombreux, depuis trente ans, à s'abstenir aux élections européennes. "C'est un mystère, dit-elle. Plus le Parlement travaille, moins les gens votent !"
Mme Lulling sait de quoi elle parle. Entrée au Parlement européen en 1965, elle se définit comme "la rescapée d'une époque disparue". Une époque où les membres de ce qu'on appelait alors l'"Assemblée parlementaire européenne" n'étaient que 142 (contre 785 aujourd'hui). Où ils étaient désignés par les Parlements nationaux. Et où leurs pouvoirs étaient très limités. Des trois institutions de la Communauté économique européenne (CEE) créée par le traité de Rome, en 1957, l'Assemblée était en effet celle dont les prérogatives étaient les plus réduites. En matière législative, elle ne pouvait ainsi que donner un "avis" sur les textes préparés par la Commission, avant que ceux-ci ne soient transmis au Conseil.
Des pouvoirs réduits mais pas inexistants. "Cette assemblée consultative n'était pas une assemblée sans influence", rappelle avec fierté Mme Lulling. Cette influence se fit surtout sentir au lendemain du traité de Luxembourg. Signé le 22 avril 1970, le texte donna à l'Assemblée des responsabilités spécifiques en matière budgétaire. Si ses membres n'avaient aucun droit de regard sur les dépenses dites "obligatoires", c'est-à-dire celles qui découlaient des traités communautaires, ils acquirent en revanche le dernier mot sur les dépenses "non obligatoires". A terme, les conséquences de ce traité furent considérables : les dépenses "non obligatoires", qui ne comptaient que pour 5 % des dépenses dans les années 1970, en représentent aujourd'hui les deux tiers.
Grand bénéficiaire de cette évolution, le Parlement tira aussi profit d'un autre traité, signé le 22 juillet 1975, qui lui accordait le pouvoir de voter la "décharge", c'est-à-dire de donner quitus à la Commission pour sa gestion du budget communautaire. Une arme importante : c'est le refus de voter la "décharge", en décembre 1998, qui poussa à la démission, trois mois plus tard, la Commission de Jacques Santer.
CONTRÔLE RENFORCÉ
Si l'extension des pouvoirs budgétaires du Parlement précéda la première élection de ses membres au suffrage universel, en 1979, l'affirmation de son rôle de législateur fut, elle, beaucoup plus tardive. "Quand j'ai été élu en 1989, le Parlement était surtout un lieu de débats et d'échanges, explique Alain Lamassoure, qui se présente le 7 juin dans le Sud-Ouest sur la liste UMP. Quand j'y suis revenu en 1999, six ans après en être parti pour entrer au gouvernement (comme ministre délégué aux affaires européennes), les choses avaient radicalement changé. J'avais quitté un forum qui votait des résolutions. Ce que j'ai retrouvé, c'est une véritable assemblée législative."
C'est en effet du début des années 1990 que date la mue la plus profonde du Parlement européen. L'Acte unique, en 1986, avait déjà accru le pouvoir des eurodéputés en instituant deux procédures, la "coopération" et l'"avis conforme", qui leur permettaient de peser davantage sur les orientations de la Commission et du Conseil. Mais cette avancée était mineure par rapport aux nouveaux droits que leur octroya le traité de Maastricht. Signé le 7 février 1992, celui-ci leur permit de constituer des commissions d'enquête et de recevoir des pétitions. Il renforça également leur pouvoir de contrôle sur la Commission. Depuis Maastricht, la désignation de son président doit être approuvée par le Parlement. Et, une fois constituée, la Commission doit être investie par les eurodéputés. En 2004, cette prérogative leur a permis d'obliger José Manuel Barroso à renoncer à prendre dans sa Commission l'Italien Rocco Buttiglione, qui avait tenu des propos homophobes et misogynes.
C'est surtout dans le domaine législatif, toutefois, que le traité de Maastricht a permis au Parlement de s'affirmer, et ce en introduisant la procédure dite de "codécision", qui donne aux eurodéputés une sorte de droit de veto. Initialement limité aux mesures concernant le marché intérieur, l'éducation, la culture, la santé, la protection des consommateurs, l'environnement, la recherche et les réseaux transeuropéens, le champ de la "codécision" s'est élargi avec le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997. "Avec Maastricht, la codécision était l'exception ; elle est devenue la règle avec Amsterdam", remarque ainsi l'historien Pierre Gerbet, qui vient de publier un remarquable Dictionnaire historique de l'Europe unie (éd. André Versaille).
Signé le 12 décembre 2007, le traité de Lisbonne, que l'Irlande doit encore ratifier par référendum et que les présidents allemand, polonais et tchèque doivent signer, prévoit d'étendre le principe de codécision à de nouveaux secteurs comme l'agriculture ou la politique migratoire. La plupart des eurodéputés s'en félicitent. Tout en regrettant l'absence, dans le traité, de ce qui apparaîtrait à leurs yeux comme une réforme décisive : l'octroi au Parlement d'un véritable "droit d'initiative", c'est-à-dire la possibilité de proposer des textes législatifs. Cette prérogative reste réservée à la seule Commission.
Thomas Wieder

Article paru dans l'édition du 04.06.09.

http://www.lemonde.fr/elections-europeennes/article/2009/06/03/le-nouveau-pouvoir-du-parlement_1201758_1168667.html

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